La session d'enregistrement

Entretien avec Françoise

Mémoire des sœurs Clarisses

"Le froid ? Ah, c’est ce dont j’ai le plus souffert. […] Dans le monastère on marchait pieds nus, donc c’était froid. Mais au milieu du couloir, il y avait un petit tapis quand même. En plus on avait toujours froid car au point de départ on n’avait pas de vêtements qui collaient à la peau. En fait le soutien-gorge était interdit donc c’était une chemise de corps en gros tissu assez épais. Un rectangle et deux petits rectangles pour les bras, c’était fermé avec un nœud. Il y avait rien qui collait. Au-dessus on avait une espèce de grande tunique, et après on avait l’habit. Mais la tunique c’était sans manches. Il y avait un radiateur au réfectoire, dans la salle de travail au noviciat, au chœur mais ailleurs non. […] L’eau gelait quelques fois dans les cellules. En plus on n’avait pas des vraies couvertures. Quand on arrivait on participait à la confection de notre tapis de nuit. En fait c’était diverses couches de tissu, toutes sortes de tissu. […] Je savais pas m’endormir tellement j’avais froid aux pieds, donc j’ai eu droit à avoir une bouillotte. Mais j’ai été menacée de plus en avoir parce que j’avais tellement froid que je ne sentais pas, j’ai été brûlée aux pieds plusieurs fois avec la bouillotte."

* Extrait de notre entretien avec Françoise, sœur au monastère de 1959 à 1970 sous le nom de Marie-Laëticia.

Vive le printemps !

Le printemps est bien là, pourtant, les dernières mesures nous poussent à poursuivre notre hibernation et à achever nos expérimentations. Nous somme impatients de vous accueillir à nouveau, joyeux printemps à toutes et tous !

Résidence de recherche

Annonce des artistes en hibernation

Nous avons récemment émis un appel à projet dans le cadre d'une bourse de résidence de recherche et de création au monastère des Clarisses. Plusieurs artistes et entités ont été sélectionné·e·s et nous ont rejoint le 15 mars 2021 pour deux semaines.

Nous accueillons en hibernation aux Saisons :
Abeirst
Chloé Cordiale et Hugo Bonnet
Dounia Chemsseddoha
Eléa Jeanne Schmitter
Sub-Zéro

Avec le soutien de la région Hauts-de-France et du Ministère de la Ville.

Une fenêtre calfeutrée

Les sœurs avaient froid

indices

En occupant l'ancien monastère des Clarisses, nous avons découvert de petites interventions discrètes qui amélioraient le confort thermique du bâtiment. Afin de lutter contre les courants d’air, les sœurs calfeutraient l’encadrement des portes, occultaient les trous de serrure ou encore bouchaient le canal d’évacuation de rosée des vitraux. Nous avons récolté plusieurs dizaines de ces diamants en plastique autour du cloître !

Bouchon de fenêtre

double-vitrage

En intervenant dans un bâtiment ancien de plus de 140 ans, force est de constater que les notions de planéité, d’équerre ou bien de ligne droite sont totalement virtuelles. Si l'œil se plaît à observer une symétrie et un équilibre, les outils de mesure eux déplorent une multitude de déformations et de variations de dimensions. Celles-ci sont la trace du temps, mais indiquent surtout un travail artisanal dont la régularité de mise en œuvre suffisait à satisfaire les critères de beauté et de longévité du bâtiment, n'en déplaise au mètre laser moderne.

Aussi, lorsqu’on construit avec la raideur industrielle de nos matériaux semi-finis, ces caractéristiques imposent un aller-retour constant entre chantier et atelier et entraînent souvent une détérioration de nos assemblages. Alors, pourquoi à tout prix chercher à adapter des constructions orthonormées à la réalité joyeusement chaotique du monastère ?

Notre proposition est une solution par le mou.
Il s'agit d'un bouchon transparent, étanche à l’air et de fait idéal pour épouser les contours variables des fenêtres du cloître. Réalisé à partir d'une vitre plastique et de mousses caoutchouc isolantes, il vient consolider un simple vitrage au plomb inscrit au patrimoine dont la performance thermique fait défaut à la nouvelle occupation des lieux. Ce principe à l’avantage d’être réversible et amovible en fonction des saisons.

Édito

21 décembre 2020

Aux Saisons Zéro, nous avons dû accepter que la température dans cet ancien monastère varierait avec autant d’amplitude qu’à l’extérieur. Le nom de notre projet illustre d’ailleurs notre choix d’adopter ces conditions et d’en faire un sujet plutôt que d’en subir la contrainte. Aujourd’hui, alors que l’hiver s’annonce, nous choisissons de traiter la thématique de l’hibernation, d’en faire une méthode construite, réfléchie et racontée pour traverser la saison froide avec vous.

L'hibernation est un écho au repli vécu par tou.te.s à l’annonce d’un second confinement. Quand à nouveau le corps de la société s’immobilise, qu’il entame une phase de sommeil seulement agitée par les flux de bande passante sans pouvoir se projeter vers l’extérieur, les confiné.e.s observent et échangent à travers les fenêtres de leurs écrans.

Au Monastère des sœurs Clarisses, l’hibernation nous rappelle cent-quarante-cinq ans d’histoire de recueillement, de retraite choisie, régie par la communauté. Ce sont aussi dix années de torpeur et d’engourdissement qui se succèdent et se logent dans les murs du bâtiment depuis le départ de ses occupantes.

L’hibernation pour les animaux est une mise au ralenti des fonctions de l’organisme : le corps dans sa totalité - y compris le cerveau - baisse en température et réduit considérablement l’énergie nécessaire à sa survie. L’animal peut alors passer de l’automne au printemps sur les seules ressources qu'il aura su accumuler avant de se nicher à l’abri. Ce sommeil long de quelques mois sera interrompu de quelques réveils volontaires, sursauts de vie indispensables, l’empêchant de tomber dans une torpeur si profonde qu’elle serait irréversible. Aussi, quand nous avons la possibilité d’agiter nos muscles et nos voix enrouées, de sortir, d’exprimer ce qui s’est rêvé collectivement dans nos isolements respectifs, c’est un appel qui sent l’espoir d’un renouveau printanier.

Aujourd’hui, c’est l’hiver que nous célébrons en entrant en hibernation. Au cours de cette retraite nos volets restent grands ouverts et quand le cœur vous en dit, jetez un œil par nos fenêtres en ogives. Vous nous trouverez sûrement affairés à alimenter le foyer collectif ou retirés dans nos chambres, quand la lumière décline et que le corps se repose. Nous partagerons régulièrement nos recherches et expérimentations hivernales sur cette page et les réseaux sociaux.

Belles fêtes à tou.te.s et rendez-vous en janvier prochain !